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politique

Et si c'était une femme...

Publié le par Cécile Sow

Au moment où l'agitation et la confusion, qui se sont installées au cours des trois dernières années, n'en finissent pas de grandir, 18 millions de Sénégalais sont pris dans les nasses de cette politique arborant le plus contestable des costumes: celui de l'insatiable pêcheur en quête perpétuelle d'électeurs. Tandis que les campagnes électorales ne dépendent plus des saisons mais de ces irrépressibles et permanentes envies de se maintenir au pouvoir ou de le conquérir, se libérer des filets, tenus par des dirigeants du régime et de l'opposition, relève de l'exploit. En attendant les élections, avons-nous un choix autre que celui de patienter sous les flots, en dépit de toutes nos préoccupations et urgences, parfois vitales? Pas vraiment! Néanmoins, les permis de rêver ne pouvant être soumis à des restrictions, et puisque c'est dans l'air du temps, je voudrais me livrer à un exercice, périlleux et un peu hasardeux, consistant à imaginer le président que je voudrais voir piloter notre embarcation, puis relâcher toutes ces personnes qui veulent vivre mieux et dans la paix. Et si le capitaine était une femme? À la veille de la Journée internationale des Femmes (ou des Droits des Femmes, selon les pays), il me plaît d'imaginer un tel scénario.

Au risque de vous décevoir, je ne compte pas me lancer dans des affirmations prêtant aux femmes des spécificités qui les rendraient plus aptes que les hommes à réussir dans certains domaines ou à diriger en douceur, dans l'équité et la sérénité. Je ne crois pas qu'il existe des qualités morales ou intellectuelles intrinsèquement liées à un genre. En revanche, je reste convaincue que les parcours individuels déterminent la capacité de chaque être humain à assumer des responsabilités et à exécuter correctement diverses tâches, de son choix ou attribuées par des tiers. Donc ce sont les pratiques discriminatoires à l'encontre des femmes qui doivent être bannies et l'égalité des chances promue.  De ce point de vue, même si ce n'est pas pour demain, l'élection d'une femme à la présidence de la République du Sénégal est possible.

Pour diriger notre pays, je verrais bien une femme honnête et forte. Elle aurait remporté le scrutin présidentiel, à l'issue d'une rude compétition, grâce à un projet global réaliste, pas à cause de séduisantes promesses intenables. Nous l'aurions suivie, pendant des semaines, des mois ou des années, alors qu'elle aurait tenu un langage de vérité. Elle n'aurait pas extrapolé sur sa capacité à opérer des changements significatifs, en faveur de ses concitoyens, quels que soient les sacrifices, individuels ou collectifs, auxquels nous n'aurions pu échapper. Peut-être qu'elle aurait tancé ou diabolisé le pouvoir en place, mais, en échange, elle se serait engagée à ne pas sombrer dans cette sorte d'amnésie commandée, propre aux politiciens et à certains dirigeants, pour qui se renier ou changer de sabador, ou de moussor, c'est pareil. Le pouvoir de cette femme aurait été sa force de caractère et de persuasion, sa capacité à argumenter et à défendre ses idées. Le règne par la peur n'aurait pas été son truc.

Dès le début de son mandat, elle aurait mis en avant les intérêts de la nation au lieu de ceux de son clan, quitte à fâcher les siens. Elle aurait aussi été capable d'essuyer les critiques ou les attaques, des uns et des autres, sans se détourner de ses objectifs, connus des électeurs et du grand public, qui ont parfois besoin qu'on leur rafraîchisse la mémoire. Si, pour une raison ou pour une autre, elle avait mal fait ou échoué, elle aurait mis son orgueil de côté et parlé aux populations, en toute franchise. Avec la participation des institutions, elle aurait créé un nouveau système de gouvernance plus inclusif et plus porté sur l'humain.  Des femmes comme elle, qui ont la tête, les épaules et le cœur qu'il faut pour mener les combats les plus difficiles, existent. Il y en a au Sénégal et ailleurs. Elles sont dans les foyers, les marchés et les rues. Elles sont dans les écoles et les universités, dans les cases de santé et les hôpitaux. Elles sont dans nos entreprises, nos administrations et nos institutions. Elles sont dans les stades et sur les scènes. Des femmes honnêtes et fortes, il y en a beaucoup partout. Il suffit d'ouvrir les yeux. Le 8 mars est le jour où les femmes défendent leurs droits. Ce combat est aussi celui d'hier, d'aujourd'hui et de chaque instant. 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sénégal, Quand des apprentis-dictateurs gangrènent la nation ...

Publié le par Cécile Sow

A priori, il ne pourrait y avoir qu'un seul dictateur. Seul maître à bord, il tiendrait la barre au gré de ses humeurs, besoins ou envies. Peu importe les vents ou la marée, il prendrait la direction qu'il voudrait. Quitte à fracasser son embarcation, pleine de ses concitoyens, contre un mur de rochers. Dieu merci, le Sénégal n'a jamais connu la dictature, civile ou militaire. S'il est vrai que chacun de nos dirigeants successifs pourrait avoir sur la conscience des cas d'arrestations et de détentions arbitraires, des morts suspectes ou encore des évènements douloureux, qui auraient pu être évités, notre pays n'en est pas moins une démocratie. Les Sénégalais choisissent leurs dirigeants et représentants lors des différentes élections; ils ont généralement le droit de se rassembler et de manifester; ils peuvent aussi exprimer leurs opinions dans les médias ou sur les réseaux sociaux, sans courir le risque d'être embarqués, de nuit, par des forces spéciales qui les retiendraient dans des lieux tenus secrets, pour une durée indéterminée, de surcroît sans jugement. C'est ce qui arrive encore dans certains pays.

Le Sénégal n'est pas une dictature, mais de plus en plus de Sénégalais se comportent comme des dictateurs. Cette liberté d'expression, à laquelle nous tenons tant, est devenue une arme à double tranchant. Parce que l'on peut tout dire, partout et à tout moment, en public ou en privé, un rien devient susceptible de provoquer une avalanche de reproches, d'injures ou de menaces, voire des appels à la violence ou au meurtre (oui, j'en ai vus!). Les écrits, les paroles et les actes ne sont plus perçus pour ce qu'ils sont.Trop souvent, ils sont sortis de leur contexte, déformés et sujets à des interprétations farfelues, n'obéissant à aucune logique, si ce n'est celle de la partisanerie béate. Même lorsque nous parlons de la pluie et du beau temps, il y en a qui trouvent le moyen de politiser les discussions. Comme si tout, sans exception, tournait autour de la politique; comme si le Sénégal était une arène (avec deux rois en son centre: le Président Macky Sall et l'opposant Ousmane Sonko).

Nous sommes plusieurs à revendiquer le droit de vivre et de nous exprimer librement, en dehors de toute considération politique ou politicienne, à déplorer le fait que les débats, quel que soit le sujet, soient désormais réduits à une sorte de ping-pong infernal entre les "pour" et les "contre". Pourtant la vie ne se résume pas à camper sur ses positions -sans considérer celles des autres- ni à les défendre coûte que coûte, en particulier quand la paix sociale est menacée. Ce dualisme puérile est un dangereux poison pour la nation. 

Au cours des dernières années, j'ai découvert des Sénégalais capables de dévoiler une palette d'injures honteuses et dégradantes, pour leurs auteurs autant que pour leurs cibles, ainsi que des hommes et des femmes prompts à relayer, sans sourciller, de fausses informations. Néanmoins, à choisir entre prêcher dans le désert ou me taire, je préfère la première option. La deuxième est inenvisageable pour tout Sénégalais aimant son pays et soucieux de l'avenir de ces centaines de milliers d'enfants qui n'ont demandé ni à naître ni à supporter, au quotidien, les conséquences de notre inconséquence.

Il y a quelques mois, on se souvient que des élèves avaient été arrêtés parce qu'ils avaient saccagé une salle de classe. Comment leur faire comprendre que ce qu'ils ont fait est mal quand l'indiscipline et la violence règnent dans les foyers, dans les rues et jusqu'au cœur de nos institutions? Comment leur inculquer des notions de savoir-vivre quand des apprentis-sorciers et dictateurs d'un genre nouveau pullulent sur les plateaux de télévision, les antennes des radios et sur les réseaux sociaux? Comment leur apprendre à croire en leur pays et à l'aimer quand le mensonge et la trahison, entre autres vilenies, sont banalisés et utilisés pour "réussir"? Comme si la réussite se mesurait en billets, en véhicules, en terrains, en maisons, en épouses et en maîtresses, en bijoux, en voyages...

Ce pays est le nôtre. Nos différences et même nos divergences pourraient nous permettre d'évoluer, à condition d'accepter nos lacunes et de prêter une oreille attentive à ceux qui ont des compétences et des connaissances que nous n'avons pas. Nous manquons cruellement d'humilité et de lucidité. C'est peut-être aussi pour cette raison que l'invective, l'injure et la calomnie ont presque fini de réduire le dialogue à néant. Nous nous éloignons de plus en plus de ce qui faisait du Sénégal un pays spécial, ayant vu naître et évoluer des femmes et des hommes de qualité, connus et respectés, ici et au-delà de nos frontières. Ils sont nombreux, vous les connaissez.

Je peux comprendre que beaucoup profitent des médias et des réseaux sociaux pour exister, pour exprimer leur colère et leur ressentiment, mais je ne veux pas d'une liberté d'expression qui engendre des dictateurs. Ces derniers prétendent parler au nom du peuple et, au lieu de l'unir, ils le divisent. Cette minorité visible ne peut pas prendre en otage 17 millions de Sénégalais. Nos dirigeants non plus. D'ailleurs, le meilleur service que nous puissions rendre à ceux qui gouvernent ou aspirent à gouverner, serait de leur dire la vérité. Les laudateurs ne valent pas mieux que les apprentis-dictateurs; ils sont aussi dangereux qu'eux. Quand un chef s'égare, ce sont ses plus proches collaborateurs et les citoyens qui doivent le rappeler à l'ordre, sans violence ni agressivité, mais avec respect et fermeté. Notre constitution nous permet d'utiliser divers moyens afin de faire valoir nos droits et elle garantit notre liberté d'expression. Qu'on en fasse bon usage! A chaque époque ses réalités. L'ère des messies étant révolue, le premier détenteur du pouvoir est le peuple. Ne gaspillons pas notre énergie à nous détester à cause de la politique ou de ses acteurs. Quand on se bat à bord d'une pirogue, elle tangue. Sunugal ne doit pas sombrer. 

 

 

 

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Adji Sarr, un an après...

Publié le par Cécile Sow

Ce mardi 8 mars 2022, tandis qu'une partie de la planète se souvient que les femmes n'ont pas que des devoirs, mais aussi des droits, je reçois un message m'invitant à co-signer une tribune sur la plus célèbre masseuse du Sénégal, Adji Sarr. Estimant qu'il y a trop de zones d'ombre dans cette sulfureuse affaire, je botte en touche. Puis je repense à la proposition et décide de me prêter à cet exercice sensible, mais en solo. 

Ma réticence ne vient pas des réactions intempestives, souvent violentes, qui fusent chaque fois que son nom apparaît ni des tentatives évidentes de manipuler l'opinion en faveur de l'accusatrice ou de l'accusé. Elle se justifie plutôt par le fait que, contrairement à de nombreuses personnes dont les avis pullulent sur les réseaux sociaux, je pense ne pas en savoir assez pour me prononcer sur le fond. Ce dossier, avec d'un côté une vraie victime ou une femme instrumentalisée et de l'autre un homme politique en pleine ascension censé incarner la vertu, reste préoccupant. En attendant de savoir ce qui lie et/ou oppose réellement Adji Sarr et Ousmane Sonko, leurs ennuis me font dire que, même si eux ont été exposés, trop de maux sont encore déversés dans le profond puits du masla et du sutura. Celui où, au nom des convenances, on se débarrasse des choses honteuses ou condamnables, souvent au détriment des femmes.

Certes, grâce à Adji Sarr, on parle sans doute plus de viol et d'agressions sexuelles aujourd'hui que par le passé, mais cela ne semble pas servir la cause des victimes présumées ou avérées. Au contraire. Qu'il s'agisse d'Adji Sarr ou d'une autre, la femme est coupable et la plupart du temps condamnée par la société. Le mauvais accoutrement les mauvais gestes les mauvaises paroles au mauvais endroit au mauvais moment. Sans tenir compte des faits, on les accuse, encore et encore, d'avoir envoyé des signaux invitant à avoir une relation sexuelle. D'ailleurs, beaucoup de gens en parleront comme s'ils avaient été présents. Même lorsqu'il s'agit d'enfants, on trouve le moyen d'incriminer les mamans, accusées de négligence...  

Depuis cette affaire Adji Sarr, le mot viol et l'acte qu'il décrit sont devenus d'une telle banalité. Parce qu'on lui a ôté son caractère odieux et criminel, les personnes conscientes de la gravité d'un viol sont de plus en plus rares.  Tout aussi alarmant, moralisateurs et justiciers zélés -parmi lesquels des femmes- ont presque réussi à graver dans les esprits de certaines jeunes filles que si elles étaient un jour victimes de viol(s), elles en seraient les premières responsables. C'est pourquoi, un an après les violences ayant suivi la plainte d'Adji Sarr et les déboires judiciaires d'Ousmane Sonko et au lendemain de la célébration de la Journée internationale de la Femme (ou des Droits des Femmes, selon les pays), il est important de revenir sur cet épisode douloureux. Outre ces quelques raisons évoquées plus haut, il me semble aussi nécessaire de clarifier certaines choses. 

A mon humble avis, les violences de mars 2021 n'étaient pas uniquement l'expression d'un soutien populaire inconditionnel à Ousmane Sonko. Comme ces attaques verbales et physiques quotidiennes, plus ou moins graves, dans les foyers, les rues, les marchés, les bureaux..., elles étaient la conséquence d'une colère devenue insupportable pour beaucoup. Oui, les Sénégalais sont fâchés. Peut-être pas tous, mais une bonne partie. Ils sont fâchés parce que la vie est si dure que, comme on l'entend souvent, ils ne voient même plus la queue du diable pour la lui tirer. Ces évènements nous ont aussi rappelé, de manière brutale, que la paix sociale est un acquis précieux, mais fragile.

Grâce ou à cause d'Adji Sarr et d'Ousmane Sonko, je suis désormais convaincue que la rupture de confiance entre les populations et les dirigeants, souvent évoquée par l'opposition ou la société civile, est bien réelle. Malgré deux alternances politiques et les promesses d'une vitalité démocratique accrue, un climat délétère s'est s'installé au Sénégal. Tout le monde -ou presque- parle de tout, tout le temps, sans avoir les bonnes informations et parfois dans le but de nuire à l'autre. Plus dangereux, nombreux sont ceux qui croient que leurs convictions sont des vérités absolues. Cette histoire de moeurs devenue socio-politico-judiciaire n'échappe pas à cette tendance. C'est regrettable. 

En mars 2021, nous avons vu de quoi était capable une foule en colère. Onze mois plus tard, le 6 février 2022, après la victoire du Sénégal à la CAN (Coupe d'Afrique des Nations), nous avons vu de quoi était capable une foule euphorique. Dans un cas comme dans l'autre, on constate que les populations, en particulier les jeunes, ont une capacité certaine à se comprendre et à s'unir. C'est une bonne et une mauvaise chose pour nous et pour l'ensemble des dirigeants de notre pays, du pouvoir comme de l'opposition. Une bonne car cela prouve qu'ils peuvent compter sur la jeunesse; une mauvaise car cette jeunesse, qui a des aspirations et des exigences, généralement légitimes, peut de nouveau craquer, quel que soit le régime en place. Pour prévenir certaines tensions et restaurer la confiance, il va falloir plus de transparence. Il est temps de rétablir la vérité sur Adji Sarr et Ousmane Sonko, ainsi que sur tous ces dossiers dits politico-judiciaires en suspens...

 

 

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A bas les "pensées uniques"...

Publié le par Cécile Sow

De nos jours, dès que l'on entend parler de la "pensée unique", on replonge immédiatement dans les années sombres de certaines dictatures sanglantes d'Afrique ou d'ailleurs. On imagine, avec effroi, ces prisonniers d'opinion torturés, mutilés, assassinés pour avoir défié des règles dictées par un chef autoritaire et ses sbires. Des images vite chassées de nos esprits, souvent occupés à refaire le monde via les réseaux sociaux. Si les arrestations arbitraires et surtout les exécutions sommaires ont presque disparu, nous ne sommes pas pour autant protégés des abus commis par des dictateurs d'un genre nouveau. Ces derniers, apprentis ou confirmés, sévissent sur la Toile. 

Rares sont celles et ceux qui n'ont jamais été victimes de ces justiciers-moralisateurs, agissant à visage découvert ou planqués derrière leurs claviers, pour imposer, par tous les moyens, une manière de penser, de parler, de se vêtir, de se comporter, de se nourrir... Bref, de vivre. Méthode douce passant par la sensibilisation ou forte avec injures et menaces. Dans les deux cas, le constat est le même: les partisans des "pensées uniques" sont légion!

Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux pour réaliser que tout sans exception est sujet à polémique, ce qui en soi n'est pas un problème. En revanche, quand tout devient susceptible de déclencher une avalanche d'insanités pour humilier l'autre et le faire plier, c'est inacceptable.

A la lecture de ce texte, certains diront que tout est relatif, que ce qui est un manque de respect ou une injure pour l'un ne l'est pas pour l'autre, que la liberté d'expression donne le droit de dire ce qu'on veut, même quand les conséquences sont tragiques (repli sur soi, dépressions, expéditions punitives...). A ceux-là, je réponds que "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres". Ce que chacun est libre de dire ou de faire dans son cercle, il n'est pas libre de le dire ou de le faire chez les autres, qu'ils soient ouverts, compréhensifs et tolérants ou pas. J'ajoute que -sauf cas de force majeure?!- éviter d'infliger à autrui  ce que l'on ne veut pas avoir à subir relève du simple bon sens.

Nous sommes tous différents et appelés à nous côtoyer, même si ça nous déplaît. Sauf peut-être celles et ceux qui décident de vivre en vase clos avec leurs semblables, supposés ou avérés...

Pour en revenir à ces nouveaux dictateurs, adeptes de l'insulte ou du baston, n'est-il pas temps de leur dire que le dialogue est source de paix et d'enrichissement mutuel? Privilégions-le sans a priori douteux car les conclusions tirées à la hâte sont souvent source d'incompréhension et de division. En outre, à force de vouloir exister, beaucoup ont tendance à s'emballer, faisant ainsi d'un grain de sable une montagne, qui de toute façon subira la loi des réseaux sociaux. Le principe du buzz, c'est d'être éphémère. Par contre, les effets du buzz, positifs ou négatifs, sont incalculables et durables.

Le terrorisme intellectuel nourrit les frustrations et les haines. Notre monde est désormais habité par des extrémistes de toutes sortes qui n'hésitent pas à devenir violents pour être entendus et suivis. J'ose espérer que cela changera un jour.

Je prêche, sans doute, dans le désert, mais ce n'est pas une raison pour me taire. Surtout quand on sait que de nos jours, au Sénégal, beaucoup de personnes avisées refusent de participer au débat public pour éviter des attaques virulentes contre elles voire contre leurs proches. Il faut dire que de nombreux Sénégalais sont prompts à prendre des raccourcis pour dénigrer quiconque prend la parole, quel que soit le sujet. Quelques exemples:

- Vous saluez un acte posé par le chef de l'Etat ou son gouvernement: vous cherchez un poste ou vous êtes un opportuniste incompétent qui mange dans le râtelier du pouvoir;

- Vous soutenez l'opposition: vous faites du boucan pour être embarqué dans le navire présidentiel, vous êtes instrumentalisé par une obscure puissance ennemie du Sénégal et de ses valeurs;

- Vous êtes féministe: vous êtes frustrée car vous n'avez pas trouvé l'homme de votre vie ou vous êtes une complexée doublée d'une lesbienne;

- Vous dénoncez le harcèlement sexuel: vous êtes moche et en colère parce que les hommes ne vous draguent pas;

- Vous dénoncez les excès de certains groupes religieux ou la mendicité des talibés (élèves des écoles coraniques): vous êtes un disciple de Satan, un franc-maçon;

- Vous êtes opposé à la discrimination ou à l'emprisonnement des homosexuels: vous êtes un ennemi de Dieu et un pervers porte-malheur;

- Vous refusez de faire l'apologie de l'homosexualité: vous êtes homophobe ou un homosexuel refoulé;

- Vous vous interrogez sur l'opportunité du remplacement du franc CFA par l'Eco: vous êtes un aliéné mental au service de la France, esclavagiste et pilleuse de ressources;

- ...

Cette liste, non-exhaustive, peut paraître caricaturale. Sachez que ces clichés ne sont pas le fruit de ma réflexion; ce sont plutôt des appréciations piochées çà et là.

Si pendant des décennies, des pionniers ont sacrifié leur liberté et risqué leur vie pour que le monde change et évolue dans un sens propice à l'épanouissement de tous, je suppose que ce n'est pas pour qu'aujourd'hui la liberté d'expression -ce bien précieux!- soit mise au service de la division et de la haine. Respecter les opinions et les choix des autres, c'est faire un bon usage de la liberté d'expression. Peut-être suis-je un jour tombée dans les travers que je dénonce aujourd'hui? Le cas échéant, je prie mes lecteurs de m'en excuser.

A bas les pensées uniques!

 

 

 

 

 

 

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Abdoulaye Wade, quand l'histoire oublie l'avocat

Publié le par Cécile Sow

Si Abdoulaye Wade ne s'est jamais départi de son titre de "Maître", il y a toutefois bien longtemps qu'il a quitté les prétoires au profit de la scène politique. Ainsi, il n'est guère surprenant que les souvenirs de l'opposant puis du président de la République aient estompé celui de l'avocat. Au moment où le barreau du Sénégal, créé par ordonnance le 3 septembre 1960, souffle ses 60 bougies, rares sont ceux qui savent que l'ex-chef de l'État est le plus ancien avocat sénégalais ayant exercé son métier dans le pays avant l'Indépendance. Nommé avocat-défenseur près la Cour d'Appel et les Tribunaux de l'A.O.F. (Afrique occidentale française) par arrêté n°3856/JA du 8 mai 1958, Abdoulaye Wade devance de quelques mois la doyenne du barreau, Maître Eugénie Issa-Sayegh, toujours membre du Conseil de l'Ordre...

Avant de pratiquer au Sénégal, Abdoulaye Wade est établi à Besançon (France). Il avait prêté serment devant la Cour d'Appel de la ville, au mois de décembre 1955, suite à l'obtention de son Certificat d'aptitude à la profession d'avocat, Capa, délivré par la faculté de droit de l'Université de Dijon, le 25 novembre de la même année. Après un stage de deux ans, il décide de rentrer au Sénégal. Par conséquent, il demande son inscription à Dakar. Mais à cette période, être nommé avocat est compliqué. La connaissance du droit n'étant pas la seule exigence, tous les candidats sont soumis à des enquêtes rigoureuses. Et Abdoulaye Wade n'y échappe pas.

Dès qu'il fait sa demande, le Procureur général chef du service judiciaire à Dakar contacte le Commissaire central de police de Besançon pour obtenir des renseignements. Ainsi, dans un rapport estampillé "confidentiel" et "urgent", daté du 28 janvier 1958, on note qu'il est déjà connu dans la région. Abdoulaye Wade a des accointances avec des communistes, il a été président de la Fédération des étudiants d'Afrique noire (section Besançon), il est en faveur de l'indépendance, ..., et, surtout, il défend des Algériens poursuivis pour "activités anti-nationales" dans des procédures de droit commun et des "affaires liées à l'intégrité du territoire". Malgré ce tableau peut-être alarmant pour les autorités de l'époque, Abdoulaye Wade, âgé de 29 ans, présente des qualités certaines. Selon le Procureur général de Besançon, il a toujours plaidé "avec beaucoup de correction, ..., en restant sur le terrain du droit et des faits, sans faire de digression sur le plan politique". Cette appréciation plutôt favorable lui a sans doute servi.

Ironie de l'histoire, quelques années après sa nomination comme avocat-défenseur à Dakar, Me Abdoulaye Wade plaide en faveur de Mamadou Dia, le Président du Conseil accusé, entre autres, d'atteinte à la sûreté de l'État lors de la crise politique de 1962. Plus d'un demi-siècle plus tard, il affirme avoir été "très malheureux" de n'avoir pas pu lui éviter une condamnation "injuste et très sévère" (perpétuité, Ndlr). Pour lui, Mamadou Dia n'a jamais voulu faire un coup d'État...

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Des "conseils commissionnés" au barreau communautaire de l'UEMOA

Publié le par Cécile Sow

La profession d'avocat apparaît officiellement, à Saint-Louis, le 5 mars 1859, à la suite de la publication, par le gouverneur Louis Faidherbe, de l'arrêté n°26 définissant la profession de "conseil commissionné". Pour être nommés, les candidats doivent avoir 25 ans accomplis et connaître le droit. Ceux qui ne sont pas licenciés en droit sont soumis à un examen public sur les lois et ordonnances en vigueur dans la colonie. Ils doivent aussi être citoyens français, naturalisés français, nés d'un père français ou avoir servi dans l’armée française. Les conseils commissionnés -dont le nombre est alors limité à cinq sur toute l'étendue du territoire- ont un statut d'officier ministériel et exercent sous l'autorité du Procureur général. L'appellation "conseil commissionné" est remplacée en 1901 par "défenseur", puis "avocat-défenseur" de 1905 à 1960.

Les archives de la famille Crespin, des Métis de Saint-Louis, permettent de situer l'apparition du premier conseil commissionné natif du Sénégal en 1872. Mais, Jean-Jacques Crespin est surtout connu pour avoir été maire de la ville, en 1890 et 1894. Dans les années 1900, ses deux fils, Georges et Germain, ainsi qu'un autre Mulâtre, Louis Huchard, deviennent à leur tour défenseurs. Quant au célèbre Maître Lamine Guèye, il prête serment le 4 février 1921 devant la Cour d'appel de l'Afrique occidentale française (A.O.F), située à Dakar.  Généralement considéré comme étant le premier avocat sénégalais, Lamine Guèye avait pourtant été devancé de huit ans par François-Xavier Benga, un Lébou né à Gorée le 27 août 1885, inscrit au barreau de Paris en 1913 et devenu bâtonnier de Châteauroux en 1935.

Jusqu'en 1947, année de l’inscription de Babacar Sèye, diplômé en Droit de l'Université de Montpellier, la majorité des avocats-défenseurs exerçant au Sénégal étaient des Français de la Métropole ou des Antilles. Mais, après l'élection de Lamine Guèye à la mairie de Dakar, plus de Sénégalais accèdent à la profession. Les bourses d'études offertes par la mairie, puis l'ouverture de l'École de Droit de Dakar, en 1950, contribuent à ce début de "sénégalisation". Ainsi, entre 1949 et 1960, arrivent notamment Sidy Karachi Diagne, Fadilou Diop, Doudou Thiam, Boubakar Guèye, Malick Dione, Valdiodio Ndiaye, Omar Diop, Ogo Guèye, Moustapha Seck, Khar Ndofene Diouf, Abdourahmane Diop, Lamine Sall, Amadou Diop dit Thierno ou encore Moustapha Wade et son jeune frère Abdoulaye Wade, futur président de la République du Sénégal. Les premiers avocats ont presque tous joué un rôle majeur dans la lutte pour l'égalité des droits et l'indépendance ainsi que dans la mise en place et l'organisation de la Fédération du Mali. Et depuis 1960, plusieurs ont occupé (et occupent toujours) des postes clés au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

A.N.A, première organisation d'avocats au Sénégal

Avant l'Indépendance, bien que plusieurs documents mentionnent les barreaux de Dakar et de Saint-Louis, il n’existe pas de barreau légalement constitué. En revanche, des archives révèlent l’existence d'une association portant la parole des avocats-défenseurs. La section dakaroise de l’A.N.A (Association nationale des avocats inscrits aux barreaux de France et de la communauté française), créée semble-t-il en 1955, est présidée par Alain Crespin (fils de Germain Crespin et petit-fils de Jean-Jacques Crespin). L'A.N.A avait été fondée en France en 1921 à l'initiative de Maître Jean-Appleton, considéré comme anticolonialiste.

3 septembre 1960, création du premier barreau du Sénégal

Le 3 septembre 1960, la profession d'avocat devient la première profession libérale organisée en forme statutaire. Le Barreau du Sénégal a été créé, par ordonnance, 14 jours après la proclamation de l’Indépendance, intervenue dans la nuit du 19 au 20 août 1960, et quatre jours avant la formation du premier gouvernement de la république naissante dont la composition fut rendue publique le 7 septembre 1960, par le Président du Conseil, Mamadou Dia.

Le nombre exact d'inscrits en 1960 n'est pas connu car le tableau de l'Ordre des avocats du Sénégal le plus ancien, conservé à la Maison de l'avocat (siège du barreau à Dakar), date du bâtonnat de Maître Malick Dione, élu en 1965. Il compte 45 avocats dont 4 stagiaires; les Sénégalais ne représentent qu'un tiers de l'effectif. Le premier bâtonnier du Barreau du Sénégal est le Français Pierre Geni. Maître Abdourahmane Diop -fils du futur grand Serigne de Dakar El Hadj Moussé Diop et de Katy Diop- lui succède en 1961. Il devient ainsi le premier bâtonnier sénégalais.

1960-1984, Vers la création de l'Ordre des avocats du Sénégal

A partir de 1960, les conditions d'admission au barreau changent de manière significative. Les enquêtes de moralité ne sont plus confiées à la police, mais au Conseil de l'Ordre, qui, avec le bâtonnier, statue sur les demandes. En revanche, les avocats restent soumis à l'autorité des magistrats, notamment du Procureur général ce qui implique, par exemple, en cas d'incident à l'audience, une comparution immédiate pouvant être suivie d'une exclusion du barreau, plus ou moins longue.

Dès 1970, tandis que l'on assiste à un agrandissement et à un rajeunissement de la profession, favorisés par les départs de plusieurs Français âgés, les revendications se précisent. Outre la relation magistrat-avocat, l'accès aux grands dossiers civils (banques, assurances, etc.), l'amélioration des conditions de travail, etc., préoccupent de plus en plus les nouveaux venus.

1975 reste une année particulière pour le Barreau du Sénégal. Cette année-là, Mame Bassine Niang devient la première avocate sénégalaise, d'origine et de nationalité. C'est également la première fois que plusieurs promotions sont admises en quelques mois, dont une de trois avocats (un record!). Un an plus tard, la très dynamique Association des jeunes avocats sénégalais (AJAS) engagée, entre autres, dans la lutte pour le respect des droits de la défense et la vulgarisation du droit auprès des justiciables, voit le jour. Dans les années qui suivent, les droits de l'homme font également leur apparition lors de conférences internationales organisées sous le bâtonnat de Maître Moustapha Seck, ayant à son actif la création à Dakar de l'Union interafricaine des avocats (U.I.A) et de l'Institut des droits de l'homme et de la paix (IDHP).

En 1978, l'agrandissement du barreau se confirme avec l'admission de groupes de dix voire plus. Mais c'est en 1982 qu'il prend un tournant décisif. Cette année-là, trente-quatre avocats prêtent serment, le même jour, après une bataille juridique et judiciaire contre le Bâtonnier Ogo Kane Diallo et le Conseil de l'Ordre. Craignant une dévalorisation de leur profession, ils avaient rejeté leurs demandes d'admission. C'est ce qui leur valut une plainte des jeunes et un procès devant la Cour d'appel de Dakar. Les candidats avaient été défendus par un ancien bâtonnier, Fadilou Diop, et par Babacar Niang, plus connu sous le nom de Mbaye Niang (également fondateur du Parti pour la libération du peuple, P.L.P). Des bâtonniers (Mame Adama Guèye, Ameth Ba), plusieurs ministres (El Hadj Amadou Sall, Madické Niang, Aïssata Tall Sall) et ténors du barreau (Boukounta Diallo, François Sarr, etc.) sont issus de la fameuse promotion de 1982.

Durant cette période, le ministère de la Justice, dirigé par Alioune Badara Mbengue, produit un projet de loi sur la profession d'avocat au Sénégal, très attendu par le barreau. La loi 84-09 du 4 janvier 1984 est finalement votée après d'âpres négociations avec son successeur, Me Doudou Ndoye.

1984-2015, le Barreau du Sénégal d'un siècle à un autre

La loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l'Ordre des avocats du Sénégal marque le début d'une ère nouvelle pour les avocats comme pour leurs clients. Le texte affirme le caractère libéral et indépendant de la profession, précise les conditions d'entrée au barreau, les règles de l'Ordre et d'exercice du métier, etc. La mise sur pied de la Caisse de règlements pécuniaires des avocats du Sénégal, communément appelée Carpa, y est également mentionnée. Elle vise à sécuriser la relation avocat-client, en particulier pour tout ce qui concerne les manipulations financières.

La création de la Carpa, considérée comme un acquis majeur, sera difficile. En 1986, au moment où les avocats planchent encore sur la création d'une caisse répondant à leurs aspirations, l'État prend les devants et produit un texte de loi qu'il fait passer devant les députés sans l'avis des concernés. Le nouveau bâtonnier, Me Boubakar Guèye mobilise le Conseil de l'Ordre, saisit le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Seydou Madani Sy ainsi que le Président de la République, Abdou Diouf. L'exécutif fait la sourde oreille. Le 28 mai 1986, le projet de loi portant création de la Carpa passe à l'approbation de l'Assemblée générale de la Cour suprême, puis il est soumis au Conseil des ministres. Outré, Boubakar Guèye convoque une assemblée générale à l'issue de laquelle il demande à ses confrères Abdoulaye Wade, Thierno Diop, Babacar Niang, Christian Valantin et Ibrahima Bèye, tous députés à l'Assemblée nationale, de s'opposer au texte. La loi 86-21 est tout de même votée le 16 juin 1986 et le décret d'application pris peu de temps après. Mais les avocats finissent par obtenir ce qu'ils veulent: la loi 87-30 du 28 décembre 1987 fait oublier celle de 1986. La Carpa devient finalement opérationnelle en 1990; elle permet de renforcer l'autonomie financière de l'Ordre.

A la même période, l'Afrique s'engage, petit à petit, sur la voie de la coopération juridique et judiciaire. Un premier pas est franchi le 17 octobre 1993 avec la signature à Port-Louis (Ile-Maurice) du Traité pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Depuis lors, la coopération juridique et judiciaire continue de faire son bonhomme de chemin sur le continent africain abritant désormais plusieurs juridictions dans lesquelles interviennent régulièrement des avocats sénégalais (Cour commune de justice et d'arbitrage de l'Ohada, Cour de justice de la CEDEAO, Cour de justice de l'UEMOA, Cour africaine de justice et des droits de l'homme de l'Union africaine).

Depuis le 1er janvier 2015, date de l'entrée en vigueur du Règlement n°5 de l'Union économique et monétaire ouest africaine, UEMOA, l'intégration sous-régionale a connu de nouvelles avancées. Désormais, les avocats des huit États membres sont soumis aux mêmes règles d'admission, d'exercice, etc. et les justiciables bénéficient (en principe) des mêmes droits de la défense.

LE SERMENT DES AVOCATS A TRAVERS LE TEMPS...

1859: “Je jure d’être fidèle à l’Empereur, de ne rien dire et publier de contraire aux lois, décrets, ordonnances, arrêtés et règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix publique, de ne jamais m’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques et de ne plaider aucune cause que je ne croirais pas juste, en mon âme et conscience”

Ordonnance n°60-309 du 3 septembre 1960 portant création d'un Barreau près de la Cour d'appel du Sénégal, Article 22: "Je jure de ne rien dire ou publier de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l'État et à la paix publique et de ne jamais m'écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques"

Loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l'Ordre des avocats du Sénégal, Article 16: "Je jure de remplir dignement et loyalement ma mission en veillant au respect strict des règles de mon Ordre et de ne jamais m'écarter du respect dû à la justice et aux institutions"

Règlement n°5 de l'Union monétaire et économique de l'Afrique de l'Ouest relatif à l'harmonisation des règles régissant la profession d'avocat dans l'espace UEMOA, section 2, article 24, entré en vigueur le 1er janvier 2015:

"Je jure, en tant qu'avocat, d'exercer ma profession avec honneur, indépendance, probité délicatesse, loyauté et dignité, dans le respect des règles de mon Ordre"

 

 

 

 

 

 

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Dire la vérité est un devoir

Publié le par Cécile Sow

Il y a quelques années, au cours d'une discussion avec un homme politique, ayant une ambition présidentielle affirmée, je me souviens lui avoir dit: "de nos jours, il faut dire la vérité aux électeurs car les promesses de campagne mirobolantes constituent un risque pour le pouvoir". Dépité, il me répond: "Cécile, tu es folle!". Fin de l'échange; je demande la route et retourne vaquer à mes (saines) occupations... Cet épisode est représentatif de l'état d'esprit de nombre d'acteurs politiques au pouvoir ou aspirant à occuper le fauteuil présidentiel.

Au 21ème siècle, dans un monde où l'information circule à la vitesse grand V, où les vrais journalistes et les personnes animées de bonnes intentions se battent, à chaque instant, contre la rumeur et les fake news, je n'admets pas que des dirigeants s'adonnent à la manipulation et à la démagogie. C'est irrespectueux pour les populations et dangereux pour tous.

Que l'on soit dans l'opposition ou au pouvoir, il faut savoir dire la vérité.

Des promesses non tenues, en particulier quand elles concernent l'amélioration des conditions et du niveau de vie des gens, la bonne gouvernance et le respect de la constitution (qui ne devrait être modifiée que pour renforcer la démocratie, faut-il le rappeler?), sont sources de tension voire de déstabilisation. Sur ce plan, les dernières années sont édifiantes. Combien de dirigeants, bien ou mal élus, ont-ils été emportés par la rue quand les urnes auraient suffi à faire le boulot pacifiquement?

Au moment où la Covid-19 continue de remettre en cause nombre de convictions, de principes et de politiques économiques, sanitaires ou sociales, la soif de vérité devient de plus en plus dure à supporter.

Aujourd'hui, nous sommes très nombreux à en avoir assez de ces interminables polémiques sur la pertinence des mesures prises dans la lutte contre la pandémie et surtout sur l'efficacité ou la dangerosité de l'hydroxychloroquine. S'il est vrai que depuis des siècles, la science, les savants et les chercheurs (dans toutes les disciplines) ont toujours été l'objet d'admiration ou de contestation, il me semble que les moyens techniques et technologiques, disponibles de nos jours, permettent de savoir avec exactitude ce qui est vrai ou faux. L'Organisation mondiale de la santé, notamment, doit arrêter de nous faire valser. Si elle ne maîtrise pas son sujet, qu'elle rende le tablier. Et d'ailleurs, quoi qu'elle dise, aujourd'hui les guérisons notées sont un bon indicateur de l'efficacité des traitements. Cela dit, sur ce point, je cède la parole aux professionnels de la santé, mieux outillés que moi pour interpréter les données...

Nous sommes également nombreux à trembler devant les engagements pris par certains gouvernements pour, soutiennent-ils, faire face aux effets de la pandémie, plus ou moins dévastateurs, selon les pays. S'il est vrai que les Etats ont un devoir de protection vis à vis des populations, ils ont aussi un devoir de vérité.

Dans un pays comme le Sénégal, où des chefs de famille et leurs proches peuvent rester des mois sans tenir dans la main un billet de 10 000 F CFA; des semaines sans manger de la viande, de la volaille ou du poisson frais; des jours sans avoir autre chose à avaler que du kinkeliba et un morceau de pain ou une bouillie de mil, cette pluie de milliards déclenchée par les autorités m’effraie.  

L'Etat a le devoir de nous dire la vérité.

Les innombrables dysfonctionnements notés dans la gestion des deniers publics (ou dans le privé) et révélés au cours des dernières années, aussi bien par des organes officiels de contrôle que par la presse, n'augurent rien de bon quant à la gestion des 1000 milliards injectés dans le fonds de riposte et de solidarité Covid-19. Le flou autour de la répartition, l'attribution et l'utilisation des fonds non plus. Chaque milliard annoncé suscite de l'espoir chez les uns et réveille des appétits chez les autres. Par conséquent, en plus de dire la vérité, les dirigeants ont l'obligation d'agir dans une totale transparence.

Savoir dire la vérité est primordial.

Même lorsqu'elle fait peur, la vérité permet d'appréhender les situations les plus complexes et de chercher puis de trouver des façons d'y faire face. Cette lucidité devient le moteur de l'action individuelle et collective.

Les dirigeants ne sont pas les seuls à devoir dire la vérité.

A la maison, à l'école, au travail, partout, la vérité doit être présente. Même si elle fait mal, la vérité doit permettre la remise en question et le dépassement. D'ailleurs, le plus souvent, ce n'est pas la vérité qui blesse, mais les mots et le ton utilisés ainsi que le contexte dans lequel elle est dite.

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Justice pour les malades mentaux

Publié le par Cécile Sow

Ce lundi 1er juin 2020, c'est avec une grande émotion que j'ai appris, sur les ondes d'une radio privée, le lynchage d'un malade mental à Malika, dans la banlieue dakaroise. J'ignore toujours s'il est mort ou vivant car les versions diffèrent. Pourtant, s'il s'agissait d'une personne dite "normale", il ne fait aucun doute qu'à l'heure où j'écris ces quelques lignes, nous saurions déjà tout -ou presque- de sa vie. 

Parents, amis, connaissances et voisins, se seraient jetés sur les téléphones, micros et caméras pour dévoiler l'identité, l'adresse, les activités, etc. de la victime. Mais comme il s'agit d'un "fou", cet acte ira grossir le rang des histoires sordides vite oubliées, comme cette vague de meurtres de malades mentaux qui avait frappé le pays, il y a quelques années. 

Selon l'Association sénégalaise pour le suivi et l'assistance aux malades mentaux (ASSAM), plus de 3000 personnes souffrant d'affections psychiatriques errent à travers le territoire. D'ailleurs, il suffit de marcher quelques kilomètres, dans n'importe quel quartier de Dakar, pour rencontrer au moins deux "fous". 

Vêtus de guenilles laissant parfois apparaître leurs parties intimes, marchant seul dans le silence ou en grande conversation avec des êtres invisibles à nos yeux, se nourrissant dans les poubelles, ..., ces "fous" font partie de notre quotidien.  Parce que la plupart du temps, ils nous effraient,  nous dégoutent ou nous font pitié, nous les fuyons sans demander notre reste.

Dois-je rappeler que ces hommes et ces femmes sont des êtres humains? Comme nous, ils ont droit à la vie et au respect. 

Un malade mental devrait être pris en charge par des spécialistes et soutenu par sa famille. Il est vrai que cela demande des moyens importants et de lourds sacrifices, mais chaque vie compte. Partager son quotidien avec une personne atteinte de troubles psychiatriques est une épreuve qui peut comporter des risques, mais ce n'est pas une raison pour abandonner nos malades et leur laisser courir le risque d'être moqués, humiliés, maltraités, tués par une foule en colère. C'est  inacceptable. Et que dire des viols? Justice doit être rendue.

La santé mentale devrait compter parmi les priorités. Un diagnostic précoce et une prise en charge adéquate éviteraient nombre de drames auxquels nous assistons. Par exemple, les bagarres sanglantes ou mortelles au sein de la famille. Et bien sûre les lynchages de "fous". Tous les humains ne sont pas "fous", mais le "fou" est un humain. A méditer.

 


 

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Horreurs sans frontières

Publié le par Cécile Sow

Il y a des jours où les mots sont disciplinés. Les uns après les autres, ils se suivent pour composer une phrase, puis deux, puis trois, ... Après des minutes, des heures, des jours, des semaines, des mois ou des années, ils donnent naissance à un texte dont l'auteur se libère.

Et puis, il y en a d'autres où les mots se moquent éperdument de la personne ayant décidé de les manier pour en faire un machin qui sera lu par une poignée de curieux ou plus.

Aujourd'hui, si j'ai du mal à trouver les mots justes pour exprimer mon émotion, c'est à cause de ces scènes ignobles auxquelles nous assistons sans avoir le temps de découvrir le monde sous un jour meilleur. 

J'aurais voulu n'avoir jamais vu ce genou sur ce cou. Ni dans une fiction ni dans la réalité.

La mort atroce de George Floyd, filmée puis diffusée à travers le monde, prouve une fois de plus (de trop!) que l'impunité est le berceau de l'horreur perpétuelle. Que ce soit aux Etats-Unis d'Amérique ou ailleurs, la justice doit être tout simplement ... juste et équitable. Au cas contraire, les choses iront de mal en pis. 

Au cours des derniers siècles, combien de crimes racistes, perpétrés par des esclavagistes, des membres du Ku Klux Klan, des policiers et des extrémistes en tout genre sont restés impunis? Ni vous ni moi ni personne ne pourraient les dénombrer. 

Derrière ces actes haineux et ciblés, il y ne peut y avoir aucune bonne raison.

Mais, les Etats-Unis d'Amérique, qualifiés par certains de "plus grande démocratie du monde", ne détiennent pas la palme de l'horreur. Le malheureux trophée se balade tranquillement, au gré des intérêts des uns et des autres.

Au 21ème siècle, on continue de tuer l'autre parce qu'il défend ses idées, ses droits, sa liberté ou son bien; parce qu'il est juif, chrétien, musulman, athée; parce que sa tête, sa manière de parler, de s'habiller ou de se tenir déplaît; parce que...

Pour stopper ces horreurs sans frontières, j'aurais voulu que les mots soient un indestructible bouclier. Un jour peut-être...

 

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Si les enseignants n'étaient pas courageux, nous serions ignorants!

Publié le par Cécile Sow

Les enseignants, je les aime, je les admire, je les respecte! Que nous le reconnaissions ou pas, de l'école élémentaire à l'université, ils sont là. Ils l'ont été pour nous, ils le sont pour nos enfants et le seront pour nos petits-enfants, s'il plaît à Dieu. Que ce soit dans une salle de classe, un amphithéâtre ou derrière un écran, ils sont présents, la plupart du temps, en dépit des récriminations et des grèves. 

 

Les enseignants, je les aime car depuis des millénaires, quel que soit le nom qui leur a été donné, ils s'investissent auprès des enfants, des jeunes et même des adultes pour leur inculquer un savoir, matériel ou immatériel, parfois inestimable, dont ils sont détenteurs. 

 

Les enseignants du Sénégal, je les admire car beaucoup sont présents et performants même lorsque leurs conditions de travail sont exécrables. Le "confort" de quelques écoles privées et de certains établissements publics de Dakar, ou d'autres villes, ne peut pas occulter la dure réalité du terrain. Par exemple, des infrastructures et équipements inexistants ou défectueux; des élèves, en surnombre, auxquels ils faut enseigner dans une langue parfois inconnue ou peu familière (le français); des adolescents de plus en plus insolents, agressifs et violents ou encore des parents hostiles préférant faire travailler leur progéniture, afin de soutenir la famille, ou déscolariser des jeunes filles (à peine pubères) pour les marier contre leur gré. A cela peut s'ajouter l'insécurité. En Casamance, il arrive qu'une mine saute à proximité d'un établissement scolaire...

 

Nos enseignants, je les respecte car malgré les difficultés rencontrées au quotidien, dans l'exercice de leur métier, et leurs salaires de misère, ils s'évertuent à satisfaire les exigences des parents encore soucieux de la qualité de l'enseignement. Par ailleurs, aurions-nous oublié qu'en plus d'instruire les enfants, les maîtres et maîtresses participent à leur éducation, parfois défaillante? Le respect de l'autre, les mérites du travail, la culture de l'effort, ..., s'apprennent également à l'école. 

 

Le 2 juin 2020, des milliers d'enseignants reprendront le travail malgré les risques que la Covid-19 fait peser sur tout le monde. Dans certaines localités, sous des températures dépassant 40°C, ils supporteront des masques et n'auront peut-être ni eau ni savon pour se laver les mains. Alors oui, ils méritent notre amour, notre admiration et notre respect.

 

Certes, parmi eux, il peut y avoir des incompétents ou des irresponsables, pire des pédophiles ou des violeurs. Mais les brebis galeuses et les criminels, il y en a partout. Sans exception. 

 

Si les enseignants n'étaient pas courageux, nous serions ignorants. Merci pour tout.

 

Chers enseignants du Sénégal, je vous souhaite un bon retour au travail et une bonne santé!

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