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Chaque vie compte

Publié le par Cécile Sow

Tel un oiseau, Black Lives Matter déploie ses ailes et traverse l'Atlantique, dans le sens inverse de celui des navires négriers, transportant dans leurs horribles cales des millions d'Africains enchaînés vers les côtes américaines. Comme pour mettre en garde les racistes -qui continuent à exécuter du Noir-, il s'impose. Loin de plier sous le poids des souffrances séculaires, infligées par l'esclavage et la discrimination raciale, il porte le message au-delà des frontières.

Black Lives Matter est si puissant que sur son passage il a rouvert les yeux de nombreux Africains qui ne voyaient peut-être plus les vestiges d'un passé colonial trop présent et toléraient les frasques de pouvoirs  devant être exemplaires.

Au Sénégal, la mort atroce de George Floyd et ce vent de protestation venu d'Amérique ont donné un deuxième souffle à la polémique sur la statue du gouverneur Louis Faidherbe (1854-1861, 1863-1865) qui trône à Saint-Louis, l'ancienne capitale de l'Afrique occidentale française (AOF) et du Sénégal. Tombée durant une tempête en septembre 2017 puis remontée peu de temps après, malgré des contestations, elle connaîtra sans aucun doute le même sort que ces monuments controversés ayant fini à terre. 

La volonté de faire disparaître les symboles d'un passé douloureux est légitime. Mais cela devrait se dérouler dans les règles, c'est à dire en accord avec l'administration locale ou nationale. Les conserver dans un lieu dédié, dans un but pédagogique en particulier, est une option envisageable. Le passé étant en partie comptable de ce que nous sommes aujourd'hui, nous devons le connaître, le comprendre et en tirer des leçons pour bâtir l'Afrique que nous voulons.

La mort atroce de George Floyd est l'horreur de trop; celle qui a fait déborder un vase plein depuis belle lurette. Mais devons-nous laisser la colère dicter notre conduite? Casser, brûler, injurier procurent une sorte de soulagement, mais une fois ces moments de rage passés, qu'adviendra-t-il? L'heure est à la concertation, au dialogue et à la réconciliation. Concertation, dialogue et réconciliation entre les tenants du pouvoir et ceux qui se sentent opprimés. La réconciliation au niveau personnel est également urgente. Parce qu'elle concerne ce qu'il y a de plus profond, de plus intime, cette dernière est peut-être la plus difficile. Se confronter à soi-même, à ses angoisses, à ses faiblesses et à ses incohérences est désagréable et pénible, voire impossible. 

Etre Africain  aujourd'hui c'est quoi? De toute évidence, il y a autant de réponses que d'Africains. La seule constante -pour ce qui est de la partie subsaharienne- semble être cette ferme volonté d'être respecté chez soi et partout dans le monde. Comme le respect et la dignité ne se négocient pas, il va falloir sortir de cet état de victime brandi à chaque occasion pour justifier nos manquements. Certes, des nations ont souffert de l'esclavage et de la colonisation, mais notre continent a aussi ses souffre-douleur. 

Chaque jour, il y a quelque part des injustices honteuses, révoltantes, dégoutantes. Entre les atteintes à la liberté d'expression, les détentions ou exécutions arbitraires, les violences communautaires, les maltraitances à l'encontre des enfants et des femmes surtout ou encore les attentats terroristes, nous avons d'innombrables raisons valables de crier notre colère et d'exiger du respect pour nos vies. Chaque vie compte. D'ailleurs, c'est ce que semblent nous dire les mouvements de colère observés dans plusieurs pays et réunissant des personnes de diverses origines, religions et milieux. Mieux, ne proviennent-ils pas également des frustrations accumulées dans des sociétés inégalitaires ayant émergé, çà et là, en dépit des grands discours sur la démocratie, au sens le plus large du terme? On se souvient du juge Kéba Mbaye, qui avait dit, en 1981, dans une intervention mémorable: "les Sénégalais sont fatigués". En 2020, les "fatigués" sont partout. C'est une raison suffisante pour taire certaines querelles anciennes et s'unir autour d'un idéal commun: celui du respect de la vie.

Chaque vie compte!

 

 

 

 

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Dire la vérité est un devoir

Publié le par Cécile Sow

Il y a quelques années, au cours d'une discussion avec un homme politique, ayant une ambition présidentielle affirmée, je me souviens lui avoir dit: "de nos jours, il faut dire la vérité aux électeurs car les promesses de campagne mirobolantes constituent un risque pour le pouvoir". Dépité, il me répond: "Cécile, tu es folle!". Fin de l'échange; je demande la route et retourne vaquer à mes (saines) occupations... Cet épisode est représentatif de l'état d'esprit de nombre d'acteurs politiques au pouvoir ou aspirant à occuper le fauteuil présidentiel.

Au 21ème siècle, dans un monde où l'information circule à la vitesse grand V, où les vrais journalistes et les personnes animées de bonnes intentions se battent, à chaque instant, contre la rumeur et les fake news, je n'admets pas que des dirigeants s'adonnent à la manipulation et à la démagogie. C'est irrespectueux pour les populations et dangereux pour tous.

Que l'on soit dans l'opposition ou au pouvoir, il faut savoir dire la vérité.

Des promesses non tenues, en particulier quand elles concernent l'amélioration des conditions et du niveau de vie des gens, la bonne gouvernance et le respect de la constitution (qui ne devrait être modifiée que pour renforcer la démocratie, faut-il le rappeler?), sont sources de tension voire de déstabilisation. Sur ce plan, les dernières années sont édifiantes. Combien de dirigeants, bien ou mal élus, ont-ils été emportés par la rue quand les urnes auraient suffi à faire le boulot pacifiquement?

Au moment où la Covid-19 continue de remettre en cause nombre de convictions, de principes et de politiques économiques, sanitaires ou sociales, la soif de vérité devient de plus en plus dure à supporter.

Aujourd'hui, nous sommes très nombreux à en avoir assez de ces interminables polémiques sur la pertinence des mesures prises dans la lutte contre la pandémie et surtout sur l'efficacité ou la dangerosité de l'hydroxychloroquine. S'il est vrai que depuis des siècles, la science, les savants et les chercheurs (dans toutes les disciplines) ont toujours été l'objet d'admiration ou de contestation, il me semble que les moyens techniques et technologiques, disponibles de nos jours, permettent de savoir avec exactitude ce qui est vrai ou faux. L'Organisation mondiale de la santé, notamment, doit arrêter de nous faire valser. Si elle ne maîtrise pas son sujet, qu'elle rende le tablier. Et d'ailleurs, quoi qu'elle dise, aujourd'hui les guérisons notées sont un bon indicateur de l'efficacité des traitements. Cela dit, sur ce point, je cède la parole aux professionnels de la santé, mieux outillés que moi pour interpréter les données...

Nous sommes également nombreux à trembler devant les engagements pris par certains gouvernements pour, soutiennent-ils, faire face aux effets de la pandémie, plus ou moins dévastateurs, selon les pays. S'il est vrai que les Etats ont un devoir de protection vis à vis des populations, ils ont aussi un devoir de vérité.

Dans un pays comme le Sénégal, où des chefs de famille et leurs proches peuvent rester des mois sans tenir dans la main un billet de 10 000 F CFA; des semaines sans manger de la viande, de la volaille ou du poisson frais; des jours sans avoir autre chose à avaler que du kinkeliba et un morceau de pain ou une bouillie de mil, cette pluie de milliards déclenchée par les autorités m’effraie.  

L'Etat a le devoir de nous dire la vérité.

Les innombrables dysfonctionnements notés dans la gestion des deniers publics (ou dans le privé) et révélés au cours des dernières années, aussi bien par des organes officiels de contrôle que par la presse, n'augurent rien de bon quant à la gestion des 1000 milliards injectés dans le fonds de riposte et de solidarité Covid-19. Le flou autour de la répartition, l'attribution et l'utilisation des fonds non plus. Chaque milliard annoncé suscite de l'espoir chez les uns et réveille des appétits chez les autres. Par conséquent, en plus de dire la vérité, les dirigeants ont l'obligation d'agir dans une totale transparence.

Savoir dire la vérité est primordial.

Même lorsqu'elle fait peur, la vérité permet d'appréhender les situations les plus complexes et de chercher puis de trouver des façons d'y faire face. Cette lucidité devient le moteur de l'action individuelle et collective.

Les dirigeants ne sont pas les seuls à devoir dire la vérité.

A la maison, à l'école, au travail, partout, la vérité doit être présente. Même si elle fait mal, la vérité doit permettre la remise en question et le dépassement. D'ailleurs, le plus souvent, ce n'est pas la vérité qui blesse, mais les mots et le ton utilisés ainsi que le contexte dans lequel elle est dite.

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Sénégal, une pluie de milliards pour éteindre le brasier...

Publié le par Cécile Sow

Alors que l'hivernage approche, la diffusion régulière, par la météo gouvernementale, de bulletins annonçant des pluies de milliards, pourrait donner l'espoir de lendemains meilleurs. Pourtant, au lieu de barboter, insouciants, dans cette mer d'engagements, nombre de Sénégalais font preuve de circonspection. 

 

Ces précipitations, d'un genre particulier, ayant suivi l'apparition de la Covid-19, ainsi que l'assouplissement des mesures imposées dans le cadre de la lutte contre la maladie au Sénégal, ont le mérite d'avoir apaisé certains esprits, après des journées et des soirées mouvementées, à travers le pays. Mais tout n'est pas gagné. 

 

Début avril, le Président de la République avait annoncé la mise en place d'un fonds de riposte et de solidarité de 1000 milliards de francs CFA, pour lutter contre les effets de la crise sanitaire. A ce jour, 400 milliards proviennent du budget national (établi à 3573 milliards pour l'année 2020) et 600 des bailleurs de fonds.

 

Ainsi, grâce ou à cause du coronavirus (l'avenir nous édifiera!), des centaines milliards ont été promis à plusieurs secteurs pour leur permettre de surmonter leurs difficultés. Si l'on s'en réfère aux différentes interventions du Président Macky Sall, depuis le 23 mars 2020, ont été alloués: 100 milliards pour les domaines considérés comme les plus touchés (agriculture, transport, hôtellerie), 200 pour "les entreprises affectées", 302 "pour le paiement de la dette de l'État auprès de ses fournisseurs", 69 pour les aides alimentaires, 15,5 pour les factures d'eau et d'électricité, 12,5 pour la diaspora, 3 pour les arts et la culture, etc. 

 

Quand la pluie tombe, que le tonnerre gronde et que les éclairs traversent le ciel, la foudre n'est pas loin. Cela est aussi vrai quand il pleut des milliards. L'État a tout intérêt à prendre des dispositions convaincantes pour garantir une utilisation appropriée de ces ressources. Celles-ci ne devraient pas alimenter de nouvelles polémiques ou, pire, réveiller la colère des citoyens à cran.

 

La sagesse voudrait que personne n'allume plus le feu...

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Justice pour les malades mentaux

Publié le par Cécile Sow

Ce lundi 1er juin 2020, c'est avec une grande émotion que j'ai appris, sur les ondes d'une radio privée, le lynchage d'un malade mental à Malika, dans la banlieue dakaroise. J'ignore toujours s'il est mort ou vivant car les versions diffèrent. Pourtant, s'il s'agissait d'une personne dite "normale", il ne fait aucun doute qu'à l'heure où j'écris ces quelques lignes, nous saurions déjà tout -ou presque- de sa vie. 

Parents, amis, connaissances et voisins, se seraient jetés sur les téléphones, micros et caméras pour dévoiler l'identité, l'adresse, les activités, etc. de la victime. Mais comme il s'agit d'un "fou", cet acte ira grossir le rang des histoires sordides vite oubliées, comme cette vague de meurtres de malades mentaux qui avait frappé le pays, il y a quelques années. 

Selon l'Association sénégalaise pour le suivi et l'assistance aux malades mentaux (ASSAM), plus de 3000 personnes souffrant d'affections psychiatriques errent à travers le territoire. D'ailleurs, il suffit de marcher quelques kilomètres, dans n'importe quel quartier de Dakar, pour rencontrer au moins deux "fous". 

Vêtus de guenilles laissant parfois apparaître leurs parties intimes, marchant seul dans le silence ou en grande conversation avec des êtres invisibles à nos yeux, se nourrissant dans les poubelles, ..., ces "fous" font partie de notre quotidien.  Parce que la plupart du temps, ils nous effraient,  nous dégoutent ou nous font pitié, nous les fuyons sans demander notre reste.

Dois-je rappeler que ces hommes et ces femmes sont des êtres humains? Comme nous, ils ont droit à la vie et au respect. 

Un malade mental devrait être pris en charge par des spécialistes et soutenu par sa famille. Il est vrai que cela demande des moyens importants et de lourds sacrifices, mais chaque vie compte. Partager son quotidien avec une personne atteinte de troubles psychiatriques est une épreuve qui peut comporter des risques, mais ce n'est pas une raison pour abandonner nos malades et leur laisser courir le risque d'être moqués, humiliés, maltraités, tués par une foule en colère. C'est  inacceptable. Et que dire des viols? Justice doit être rendue.

La santé mentale devrait compter parmi les priorités. Un diagnostic précoce et une prise en charge adéquate éviteraient nombre de drames auxquels nous assistons. Par exemple, les bagarres sanglantes ou mortelles au sein de la famille. Et bien sûre les lynchages de "fous". Tous les humains ne sont pas "fous", mais le "fou" est un humain. A méditer.

 


 

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