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Abdoulaye Wade, quand l'histoire oublie l'avocat

Publié le par Cécile Sow

Si Abdoulaye Wade ne s'est jamais départi de son titre de "Maître", il y a toutefois bien longtemps qu'il a quitté les prétoires au profit de la scène politique. Ainsi, il n'est guère surprenant que les souvenirs de l'opposant puis du président de la République aient estompé celui de l'avocat. Au moment où le barreau du Sénégal, créé par ordonnance le 3 septembre 1960, souffle ses 60 bougies, rares sont ceux qui savent que l'ex-chef de l'État est le plus ancien avocat sénégalais ayant exercé son métier dans le pays avant l'Indépendance. Nommé avocat-défenseur près la Cour d'Appel et les Tribunaux de l'A.O.F. (Afrique occidentale française) par arrêté n°3856/JA du 8 mai 1958, Abdoulaye Wade devance de quelques mois la doyenne du barreau, Maître Eugénie Issa-Sayegh, toujours membre du Conseil de l'Ordre...

Avant de pratiquer au Sénégal, Abdoulaye Wade est établi à Besançon (France). Il avait prêté serment devant la Cour d'Appel de la ville, au mois de décembre 1955, suite à l'obtention de son Certificat d'aptitude à la profession d'avocat, Capa, délivré par la faculté de droit de l'Université de Dijon, le 25 novembre de la même année. Après un stage de deux ans, il décide de rentrer au Sénégal. Par conséquent, il demande son inscription à Dakar. Mais à cette période, être nommé avocat est compliqué. La connaissance du droit n'étant pas la seule exigence, tous les candidats sont soumis à des enquêtes rigoureuses. Et Abdoulaye Wade n'y échappe pas.

Dès qu'il fait sa demande, le Procureur général chef du service judiciaire à Dakar contacte le Commissaire central de police de Besançon pour obtenir des renseignements. Ainsi, dans un rapport estampillé "confidentiel" et "urgent", daté du 28 janvier 1958, on note qu'il est déjà connu dans la région. Abdoulaye Wade a des accointances avec des communistes, il a été président de la Fédération des étudiants d'Afrique noire (section Besançon), il est en faveur de l'indépendance, ..., et, surtout, il défend des Algériens poursuivis pour "activités anti-nationales" dans des procédures de droit commun et des "affaires liées à l'intégrité du territoire". Malgré ce tableau peut-être alarmant pour les autorités de l'époque, Abdoulaye Wade, âgé de 29 ans, présente des qualités certaines. Selon le Procureur général de Besançon, il a toujours plaidé "avec beaucoup de correction, ..., en restant sur le terrain du droit et des faits, sans faire de digression sur le plan politique". Cette appréciation plutôt favorable lui a sans doute servi.

Ironie de l'histoire, quelques années après sa nomination comme avocat-défenseur à Dakar, Me Abdoulaye Wade plaide en faveur de Mamadou Dia, le Président du Conseil accusé, entre autres, d'atteinte à la sûreté de l'État lors de la crise politique de 1962. Plus d'un demi-siècle plus tard, il affirme avoir été "très malheureux" de n'avoir pas pu lui éviter une condamnation "injuste et très sévère" (perpétuité, Ndlr). Pour lui, Mamadou Dia n'a jamais voulu faire un coup d'État...

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Des "conseils commissionnés" au barreau communautaire de l'UEMOA

Publié le par Cécile Sow

La profession d'avocat apparaît officiellement, à Saint-Louis, le 5 mars 1859, à la suite de la publication, par le gouverneur Louis Faidherbe, de l'arrêté n°26 définissant la profession de "conseil commissionné". Pour être nommés, les candidats doivent avoir 25 ans accomplis et connaître le droit. Ceux qui ne sont pas licenciés en droit sont soumis à un examen public sur les lois et ordonnances en vigueur dans la colonie. Ils doivent aussi être citoyens français, naturalisés français, nés d'un père français ou avoir servi dans l’armée française. Les conseils commissionnés -dont le nombre est alors limité à cinq sur toute l'étendue du territoire- ont un statut d'officier ministériel et exercent sous l'autorité du Procureur général. L'appellation "conseil commissionné" est remplacée en 1901 par "défenseur", puis "avocat-défenseur" de 1905 à 1960.

Les archives de la famille Crespin, des Métis de Saint-Louis, permettent de situer l'apparition du premier conseil commissionné natif du Sénégal en 1872. Mais, Jean-Jacques Crespin est surtout connu pour avoir été maire de la ville, en 1890 et 1894. Dans les années 1900, ses deux fils, Georges et Germain, ainsi qu'un autre Mulâtre, Louis Huchard, deviennent à leur tour défenseurs. Quant au célèbre Maître Lamine Guèye, il prête serment le 4 février 1921 devant la Cour d'appel de l'Afrique occidentale française (A.O.F), située à Dakar.  Généralement considéré comme étant le premier avocat sénégalais, Lamine Guèye avait pourtant été devancé de huit ans par François-Xavier Benga, un Lébou né à Gorée le 27 août 1885, inscrit au barreau de Paris en 1913 et devenu bâtonnier de Châteauroux en 1935.

Jusqu'en 1947, année de l’inscription de Babacar Sèye, diplômé en Droit de l'Université de Montpellier, la majorité des avocats-défenseurs exerçant au Sénégal étaient des Français de la Métropole ou des Antilles. Mais, après l'élection de Lamine Guèye à la mairie de Dakar, plus de Sénégalais accèdent à la profession. Les bourses d'études offertes par la mairie, puis l'ouverture de l'École de Droit de Dakar, en 1950, contribuent à ce début de "sénégalisation". Ainsi, entre 1949 et 1960, arrivent notamment Sidy Karachi Diagne, Fadilou Diop, Doudou Thiam, Boubakar Guèye, Malick Dione, Valdiodio Ndiaye, Omar Diop, Ogo Guèye, Moustapha Seck, Khar Ndofene Diouf, Abdourahmane Diop, Lamine Sall, Amadou Diop dit Thierno ou encore Moustapha Wade et son jeune frère Abdoulaye Wade, futur président de la République du Sénégal. Les premiers avocats ont presque tous joué un rôle majeur dans la lutte pour l'égalité des droits et l'indépendance ainsi que dans la mise en place et l'organisation de la Fédération du Mali. Et depuis 1960, plusieurs ont occupé (et occupent toujours) des postes clés au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

A.N.A, première organisation d'avocats au Sénégal

Avant l'Indépendance, bien que plusieurs documents mentionnent les barreaux de Dakar et de Saint-Louis, il n’existe pas de barreau légalement constitué. En revanche, des archives révèlent l’existence d'une association portant la parole des avocats-défenseurs. La section dakaroise de l’A.N.A (Association nationale des avocats inscrits aux barreaux de France et de la communauté française), créée semble-t-il en 1955, est présidée par Alain Crespin (fils de Germain Crespin et petit-fils de Jean-Jacques Crespin). L'A.N.A avait été fondée en France en 1921 à l'initiative de Maître Jean-Appleton, considéré comme anticolonialiste.

3 septembre 1960, création du premier barreau du Sénégal

Le 3 septembre 1960, la profession d'avocat devient la première profession libérale organisée en forme statutaire. Le Barreau du Sénégal a été créé, par ordonnance, 14 jours après la proclamation de l’Indépendance, intervenue dans la nuit du 19 au 20 août 1960, et quatre jours avant la formation du premier gouvernement de la république naissante dont la composition fut rendue publique le 7 septembre 1960, par le Président du Conseil, Mamadou Dia.

Le nombre exact d'inscrits en 1960 n'est pas connu car le tableau de l'Ordre des avocats du Sénégal le plus ancien, conservé à la Maison de l'avocat (siège du barreau à Dakar), date du bâtonnat de Maître Malick Dione, élu en 1965. Il compte 45 avocats dont 4 stagiaires; les Sénégalais ne représentent qu'un tiers de l'effectif. Le premier bâtonnier du Barreau du Sénégal est le Français Pierre Geni. Maître Abdourahmane Diop -fils du futur grand Serigne de Dakar El Hadj Moussé Diop et de Katy Diop- lui succède en 1961. Il devient ainsi le premier bâtonnier sénégalais.

1960-1984, Vers la création de l'Ordre des avocats du Sénégal

A partir de 1960, les conditions d'admission au barreau changent de manière significative. Les enquêtes de moralité ne sont plus confiées à la police, mais au Conseil de l'Ordre, qui, avec le bâtonnier, statue sur les demandes. En revanche, les avocats restent soumis à l'autorité des magistrats, notamment du Procureur général ce qui implique, par exemple, en cas d'incident à l'audience, une comparution immédiate pouvant être suivie d'une exclusion du barreau, plus ou moins longue.

Dès 1970, tandis que l'on assiste à un agrandissement et à un rajeunissement de la profession, favorisés par les départs de plusieurs Français âgés, les revendications se précisent. Outre la relation magistrat-avocat, l'accès aux grands dossiers civils (banques, assurances, etc.), l'amélioration des conditions de travail, etc., préoccupent de plus en plus les nouveaux venus.

1975 reste une année particulière pour le Barreau du Sénégal. Cette année-là, Mame Bassine Niang devient la première avocate sénégalaise, d'origine et de nationalité. C'est également la première fois que plusieurs promotions sont admises en quelques mois, dont une de trois avocats (un record!). Un an plus tard, la très dynamique Association des jeunes avocats sénégalais (AJAS) engagée, entre autres, dans la lutte pour le respect des droits de la défense et la vulgarisation du droit auprès des justiciables, voit le jour. Dans les années qui suivent, les droits de l'homme font également leur apparition lors de conférences internationales organisées sous le bâtonnat de Maître Moustapha Seck, ayant à son actif la création à Dakar de l'Union interafricaine des avocats (U.I.A) et de l'Institut des droits de l'homme et de la paix (IDHP).

En 1978, l'agrandissement du barreau se confirme avec l'admission de groupes de dix voire plus. Mais c'est en 1982 qu'il prend un tournant décisif. Cette année-là, trente-quatre avocats prêtent serment, le même jour, après une bataille juridique et judiciaire contre le Bâtonnier Ogo Kane Diallo et le Conseil de l'Ordre. Craignant une dévalorisation de leur profession, ils avaient rejeté leurs demandes d'admission. C'est ce qui leur valut une plainte des jeunes et un procès devant la Cour d'appel de Dakar. Les candidats avaient été défendus par un ancien bâtonnier, Fadilou Diop, et par Babacar Niang, plus connu sous le nom de Mbaye Niang (également fondateur du Parti pour la libération du peuple, P.L.P). Des bâtonniers (Mame Adama Guèye, Ameth Ba), plusieurs ministres (El Hadj Amadou Sall, Madické Niang, Aïssata Tall Sall) et ténors du barreau (Boukounta Diallo, François Sarr, etc.) sont issus de la fameuse promotion de 1982.

Durant cette période, le ministère de la Justice, dirigé par Alioune Badara Mbengue, produit un projet de loi sur la profession d'avocat au Sénégal, très attendu par le barreau. La loi 84-09 du 4 janvier 1984 est finalement votée après d'âpres négociations avec son successeur, Me Doudou Ndoye.

1984-2015, le Barreau du Sénégal d'un siècle à un autre

La loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l'Ordre des avocats du Sénégal marque le début d'une ère nouvelle pour les avocats comme pour leurs clients. Le texte affirme le caractère libéral et indépendant de la profession, précise les conditions d'entrée au barreau, les règles de l'Ordre et d'exercice du métier, etc. La mise sur pied de la Caisse de règlements pécuniaires des avocats du Sénégal, communément appelée Carpa, y est également mentionnée. Elle vise à sécuriser la relation avocat-client, en particulier pour tout ce qui concerne les manipulations financières.

La création de la Carpa, considérée comme un acquis majeur, sera difficile. En 1986, au moment où les avocats planchent encore sur la création d'une caisse répondant à leurs aspirations, l'État prend les devants et produit un texte de loi qu'il fait passer devant les députés sans l'avis des concernés. Le nouveau bâtonnier, Me Boubakar Guèye mobilise le Conseil de l'Ordre, saisit le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Seydou Madani Sy ainsi que le Président de la République, Abdou Diouf. L'exécutif fait la sourde oreille. Le 28 mai 1986, le projet de loi portant création de la Carpa passe à l'approbation de l'Assemblée générale de la Cour suprême, puis il est soumis au Conseil des ministres. Outré, Boubakar Guèye convoque une assemblée générale à l'issue de laquelle il demande à ses confrères Abdoulaye Wade, Thierno Diop, Babacar Niang, Christian Valantin et Ibrahima Bèye, tous députés à l'Assemblée nationale, de s'opposer au texte. La loi 86-21 est tout de même votée le 16 juin 1986 et le décret d'application pris peu de temps après. Mais les avocats finissent par obtenir ce qu'ils veulent: la loi 87-30 du 28 décembre 1987 fait oublier celle de 1986. La Carpa devient finalement opérationnelle en 1990; elle permet de renforcer l'autonomie financière de l'Ordre.

A la même période, l'Afrique s'engage, petit à petit, sur la voie de la coopération juridique et judiciaire. Un premier pas est franchi le 17 octobre 1993 avec la signature à Port-Louis (Ile-Maurice) du Traité pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Depuis lors, la coopération juridique et judiciaire continue de faire son bonhomme de chemin sur le continent africain abritant désormais plusieurs juridictions dans lesquelles interviennent régulièrement des avocats sénégalais (Cour commune de justice et d'arbitrage de l'Ohada, Cour de justice de la CEDEAO, Cour de justice de l'UEMOA, Cour africaine de justice et des droits de l'homme de l'Union africaine).

Depuis le 1er janvier 2015, date de l'entrée en vigueur du Règlement n°5 de l'Union économique et monétaire ouest africaine, UEMOA, l'intégration sous-régionale a connu de nouvelles avancées. Désormais, les avocats des huit États membres sont soumis aux mêmes règles d'admission, d'exercice, etc. et les justiciables bénéficient (en principe) des mêmes droits de la défense.

LE SERMENT DES AVOCATS A TRAVERS LE TEMPS...

1859: “Je jure d’être fidèle à l’Empereur, de ne rien dire et publier de contraire aux lois, décrets, ordonnances, arrêtés et règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix publique, de ne jamais m’écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques et de ne plaider aucune cause que je ne croirais pas juste, en mon âme et conscience”

Ordonnance n°60-309 du 3 septembre 1960 portant création d'un Barreau près de la Cour d'appel du Sénégal, Article 22: "Je jure de ne rien dire ou publier de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l'État et à la paix publique et de ne jamais m'écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités publiques"

Loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l'Ordre des avocats du Sénégal, Article 16: "Je jure de remplir dignement et loyalement ma mission en veillant au respect strict des règles de mon Ordre et de ne jamais m'écarter du respect dû à la justice et aux institutions"

Règlement n°5 de l'Union monétaire et économique de l'Afrique de l'Ouest relatif à l'harmonisation des règles régissant la profession d'avocat dans l'espace UEMOA, section 2, article 24, entré en vigueur le 1er janvier 2015:

"Je jure, en tant qu'avocat, d'exercer ma profession avec honneur, indépendance, probité délicatesse, loyauté et dignité, dans le respect des règles de mon Ordre"

 

 

 

 

 

 

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Chaque vie compte

Publié le par Cécile Sow

Tel un oiseau, Black Lives Matter déploie ses ailes et traverse l'Atlantique, dans le sens inverse de celui des navires négriers, transportant dans leurs horribles cales des millions d'Africains enchaînés vers les côtes américaines. Comme pour mettre en garde les racistes -qui continuent à exécuter du Noir-, il s'impose. Loin de plier sous le poids des souffrances séculaires, infligées par l'esclavage et la discrimination raciale, il porte le message au-delà des frontières.

Black Lives Matter est si puissant que sur son passage il a rouvert les yeux de nombreux Africains qui ne voyaient peut-être plus les vestiges d'un passé colonial trop présent et toléraient les frasques de pouvoirs  devant être exemplaires.

Au Sénégal, la mort atroce de George Floyd et ce vent de protestation venu d'Amérique ont donné un deuxième souffle à la polémique sur la statue du gouverneur Louis Faidherbe (1854-1861, 1863-1865) qui trône à Saint-Louis, l'ancienne capitale de l'Afrique occidentale française (AOF) et du Sénégal. Tombée durant une tempête en septembre 2017 puis remontée peu de temps après, malgré des contestations, elle connaîtra sans aucun doute le même sort que ces monuments controversés ayant fini à terre. 

La volonté de faire disparaître les symboles d'un passé douloureux est légitime. Mais cela devrait se dérouler dans les règles, c'est à dire en accord avec l'administration locale ou nationale. Les conserver dans un lieu dédié, dans un but pédagogique en particulier, est une option envisageable. Le passé étant en partie comptable de ce que nous sommes aujourd'hui, nous devons le connaître, le comprendre et en tirer des leçons pour bâtir l'Afrique que nous voulons.

La mort atroce de George Floyd est l'horreur de trop; celle qui a fait déborder un vase plein depuis belle lurette. Mais devons-nous laisser la colère dicter notre conduite? Casser, brûler, injurier procurent une sorte de soulagement, mais une fois ces moments de rage passés, qu'adviendra-t-il? L'heure est à la concertation, au dialogue et à la réconciliation. Concertation, dialogue et réconciliation entre les tenants du pouvoir et ceux qui se sentent opprimés. La réconciliation au niveau personnel est également urgente. Parce qu'elle concerne ce qu'il y a de plus profond, de plus intime, cette dernière est peut-être la plus difficile. Se confronter à soi-même, à ses angoisses, à ses faiblesses et à ses incohérences est désagréable et pénible, voire impossible. 

Etre Africain  aujourd'hui c'est quoi? De toute évidence, il y a autant de réponses que d'Africains. La seule constante -pour ce qui est de la partie subsaharienne- semble être cette ferme volonté d'être respecté chez soi et partout dans le monde. Comme le respect et la dignité ne se négocient pas, il va falloir sortir de cet état de victime brandi à chaque occasion pour justifier nos manquements. Certes, des nations ont souffert de l'esclavage et de la colonisation, mais notre continent a aussi ses souffre-douleur. 

Chaque jour, il y a quelque part des injustices honteuses, révoltantes, dégoutantes. Entre les atteintes à la liberté d'expression, les détentions ou exécutions arbitraires, les violences communautaires, les maltraitances à l'encontre des enfants et des femmes surtout ou encore les attentats terroristes, nous avons d'innombrables raisons valables de crier notre colère et d'exiger du respect pour nos vies. Chaque vie compte. D'ailleurs, c'est ce que semblent nous dire les mouvements de colère observés dans plusieurs pays et réunissant des personnes de diverses origines, religions et milieux. Mieux, ne proviennent-ils pas également des frustrations accumulées dans des sociétés inégalitaires ayant émergé, çà et là, en dépit des grands discours sur la démocratie, au sens le plus large du terme? On se souvient du juge Kéba Mbaye, qui avait dit, en 1981, dans une intervention mémorable: "les Sénégalais sont fatigués". En 2020, les "fatigués" sont partout. C'est une raison suffisante pour taire certaines querelles anciennes et s'unir autour d'un idéal commun: celui du respect de la vie.

Chaque vie compte!

 

 

 

 

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Dire la vérité est un devoir

Publié le par Cécile Sow

Il y a quelques années, au cours d'une discussion avec un homme politique, ayant une ambition présidentielle affirmée, je me souviens lui avoir dit: "de nos jours, il faut dire la vérité aux électeurs car les promesses de campagne mirobolantes constituent un risque pour le pouvoir". Dépité, il me répond: "Cécile, tu es folle!". Fin de l'échange; je demande la route et retourne vaquer à mes (saines) occupations... Cet épisode est représentatif de l'état d'esprit de nombre d'acteurs politiques au pouvoir ou aspirant à occuper le fauteuil présidentiel.

Au 21ème siècle, dans un monde où l'information circule à la vitesse grand V, où les vrais journalistes et les personnes animées de bonnes intentions se battent, à chaque instant, contre la rumeur et les fake news, je n'admets pas que des dirigeants s'adonnent à la manipulation et à la démagogie. C'est irrespectueux pour les populations et dangereux pour tous.

Que l'on soit dans l'opposition ou au pouvoir, il faut savoir dire la vérité.

Des promesses non tenues, en particulier quand elles concernent l'amélioration des conditions et du niveau de vie des gens, la bonne gouvernance et le respect de la constitution (qui ne devrait être modifiée que pour renforcer la démocratie, faut-il le rappeler?), sont sources de tension voire de déstabilisation. Sur ce plan, les dernières années sont édifiantes. Combien de dirigeants, bien ou mal élus, ont-ils été emportés par la rue quand les urnes auraient suffi à faire le boulot pacifiquement?

Au moment où la Covid-19 continue de remettre en cause nombre de convictions, de principes et de politiques économiques, sanitaires ou sociales, la soif de vérité devient de plus en plus dure à supporter.

Aujourd'hui, nous sommes très nombreux à en avoir assez de ces interminables polémiques sur la pertinence des mesures prises dans la lutte contre la pandémie et surtout sur l'efficacité ou la dangerosité de l'hydroxychloroquine. S'il est vrai que depuis des siècles, la science, les savants et les chercheurs (dans toutes les disciplines) ont toujours été l'objet d'admiration ou de contestation, il me semble que les moyens techniques et technologiques, disponibles de nos jours, permettent de savoir avec exactitude ce qui est vrai ou faux. L'Organisation mondiale de la santé, notamment, doit arrêter de nous faire valser. Si elle ne maîtrise pas son sujet, qu'elle rende le tablier. Et d'ailleurs, quoi qu'elle dise, aujourd'hui les guérisons notées sont un bon indicateur de l'efficacité des traitements. Cela dit, sur ce point, je cède la parole aux professionnels de la santé, mieux outillés que moi pour interpréter les données...

Nous sommes également nombreux à trembler devant les engagements pris par certains gouvernements pour, soutiennent-ils, faire face aux effets de la pandémie, plus ou moins dévastateurs, selon les pays. S'il est vrai que les Etats ont un devoir de protection vis à vis des populations, ils ont aussi un devoir de vérité.

Dans un pays comme le Sénégal, où des chefs de famille et leurs proches peuvent rester des mois sans tenir dans la main un billet de 10 000 F CFA; des semaines sans manger de la viande, de la volaille ou du poisson frais; des jours sans avoir autre chose à avaler que du kinkeliba et un morceau de pain ou une bouillie de mil, cette pluie de milliards déclenchée par les autorités m’effraie.  

L'Etat a le devoir de nous dire la vérité.

Les innombrables dysfonctionnements notés dans la gestion des deniers publics (ou dans le privé) et révélés au cours des dernières années, aussi bien par des organes officiels de contrôle que par la presse, n'augurent rien de bon quant à la gestion des 1000 milliards injectés dans le fonds de riposte et de solidarité Covid-19. Le flou autour de la répartition, l'attribution et l'utilisation des fonds non plus. Chaque milliard annoncé suscite de l'espoir chez les uns et réveille des appétits chez les autres. Par conséquent, en plus de dire la vérité, les dirigeants ont l'obligation d'agir dans une totale transparence.

Savoir dire la vérité est primordial.

Même lorsqu'elle fait peur, la vérité permet d'appréhender les situations les plus complexes et de chercher puis de trouver des façons d'y faire face. Cette lucidité devient le moteur de l'action individuelle et collective.

Les dirigeants ne sont pas les seuls à devoir dire la vérité.

A la maison, à l'école, au travail, partout, la vérité doit être présente. Même si elle fait mal, la vérité doit permettre la remise en question et le dépassement. D'ailleurs, le plus souvent, ce n'est pas la vérité qui blesse, mais les mots et le ton utilisés ainsi que le contexte dans lequel elle est dite.

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Sénégal, une pluie de milliards pour éteindre le brasier...

Publié le par Cécile Sow

Alors que l'hivernage approche, la diffusion régulière, par la météo gouvernementale, de bulletins annonçant des pluies de milliards, pourrait donner l'espoir de lendemains meilleurs. Pourtant, au lieu de barboter, insouciants, dans cette mer d'engagements, nombre de Sénégalais font preuve de circonspection. 

 

Ces précipitations, d'un genre particulier, ayant suivi l'apparition de la Covid-19, ainsi que l'assouplissement des mesures imposées dans le cadre de la lutte contre la maladie au Sénégal, ont le mérite d'avoir apaisé certains esprits, après des journées et des soirées mouvementées, à travers le pays. Mais tout n'est pas gagné. 

 

Début avril, le Président de la République avait annoncé la mise en place d'un fonds de riposte et de solidarité de 1000 milliards de francs CFA, pour lutter contre les effets de la crise sanitaire. A ce jour, 400 milliards proviennent du budget national (établi à 3573 milliards pour l'année 2020) et 600 des bailleurs de fonds.

 

Ainsi, grâce ou à cause du coronavirus (l'avenir nous édifiera!), des centaines milliards ont été promis à plusieurs secteurs pour leur permettre de surmonter leurs difficultés. Si l'on s'en réfère aux différentes interventions du Président Macky Sall, depuis le 23 mars 2020, ont été alloués: 100 milliards pour les domaines considérés comme les plus touchés (agriculture, transport, hôtellerie), 200 pour "les entreprises affectées", 302 "pour le paiement de la dette de l'État auprès de ses fournisseurs", 69 pour les aides alimentaires, 15,5 pour les factures d'eau et d'électricité, 12,5 pour la diaspora, 3 pour les arts et la culture, etc. 

 

Quand la pluie tombe, que le tonnerre gronde et que les éclairs traversent le ciel, la foudre n'est pas loin. Cela est aussi vrai quand il pleut des milliards. L'État a tout intérêt à prendre des dispositions convaincantes pour garantir une utilisation appropriée de ces ressources. Celles-ci ne devraient pas alimenter de nouvelles polémiques ou, pire, réveiller la colère des citoyens à cran.

 

La sagesse voudrait que personne n'allume plus le feu...

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Justice pour les malades mentaux

Publié le par Cécile Sow

Ce lundi 1er juin 2020, c'est avec une grande émotion que j'ai appris, sur les ondes d'une radio privée, le lynchage d'un malade mental à Malika, dans la banlieue dakaroise. J'ignore toujours s'il est mort ou vivant car les versions diffèrent. Pourtant, s'il s'agissait d'une personne dite "normale", il ne fait aucun doute qu'à l'heure où j'écris ces quelques lignes, nous saurions déjà tout -ou presque- de sa vie. 

Parents, amis, connaissances et voisins, se seraient jetés sur les téléphones, micros et caméras pour dévoiler l'identité, l'adresse, les activités, etc. de la victime. Mais comme il s'agit d'un "fou", cet acte ira grossir le rang des histoires sordides vite oubliées, comme cette vague de meurtres de malades mentaux qui avait frappé le pays, il y a quelques années. 

Selon l'Association sénégalaise pour le suivi et l'assistance aux malades mentaux (ASSAM), plus de 3000 personnes souffrant d'affections psychiatriques errent à travers le territoire. D'ailleurs, il suffit de marcher quelques kilomètres, dans n'importe quel quartier de Dakar, pour rencontrer au moins deux "fous". 

Vêtus de guenilles laissant parfois apparaître leurs parties intimes, marchant seul dans le silence ou en grande conversation avec des êtres invisibles à nos yeux, se nourrissant dans les poubelles, ..., ces "fous" font partie de notre quotidien.  Parce que la plupart du temps, ils nous effraient,  nous dégoutent ou nous font pitié, nous les fuyons sans demander notre reste.

Dois-je rappeler que ces hommes et ces femmes sont des êtres humains? Comme nous, ils ont droit à la vie et au respect. 

Un malade mental devrait être pris en charge par des spécialistes et soutenu par sa famille. Il est vrai que cela demande des moyens importants et de lourds sacrifices, mais chaque vie compte. Partager son quotidien avec une personne atteinte de troubles psychiatriques est une épreuve qui peut comporter des risques, mais ce n'est pas une raison pour abandonner nos malades et leur laisser courir le risque d'être moqués, humiliés, maltraités, tués par une foule en colère. C'est  inacceptable. Et que dire des viols? Justice doit être rendue.

La santé mentale devrait compter parmi les priorités. Un diagnostic précoce et une prise en charge adéquate éviteraient nombre de drames auxquels nous assistons. Par exemple, les bagarres sanglantes ou mortelles au sein de la famille. Et bien sûre les lynchages de "fous". Tous les humains ne sont pas "fous", mais le "fou" est un humain. A méditer.

 


 

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Horreurs sans frontières

Publié le par Cécile Sow

Il y a des jours où les mots sont disciplinés. Les uns après les autres, ils se suivent pour composer une phrase, puis deux, puis trois, ... Après des minutes, des heures, des jours, des semaines, des mois ou des années, ils donnent naissance à un texte dont l'auteur se libère.

Et puis, il y en a d'autres où les mots se moquent éperdument de la personne ayant décidé de les manier pour en faire un machin qui sera lu par une poignée de curieux ou plus.

Aujourd'hui, si j'ai du mal à trouver les mots justes pour exprimer mon émotion, c'est à cause de ces scènes ignobles auxquelles nous assistons sans avoir le temps de découvrir le monde sous un jour meilleur. 

J'aurais voulu n'avoir jamais vu ce genou sur ce cou. Ni dans une fiction ni dans la réalité.

La mort atroce de George Floyd, filmée puis diffusée à travers le monde, prouve une fois de plus (de trop!) que l'impunité est le berceau de l'horreur perpétuelle. Que ce soit aux Etats-Unis d'Amérique ou ailleurs, la justice doit être tout simplement ... juste et équitable. Au cas contraire, les choses iront de mal en pis. 

Au cours des derniers siècles, combien de crimes racistes, perpétrés par des esclavagistes, des membres du Ku Klux Klan, des policiers et des extrémistes en tout genre sont restés impunis? Ni vous ni moi ni personne ne pourraient les dénombrer. 

Derrière ces actes haineux et ciblés, il y ne peut y avoir aucune bonne raison.

Mais, les Etats-Unis d'Amérique, qualifiés par certains de "plus grande démocratie du monde", ne détiennent pas la palme de l'horreur. Le malheureux trophée se balade tranquillement, au gré des intérêts des uns et des autres.

Au 21ème siècle, on continue de tuer l'autre parce qu'il défend ses idées, ses droits, sa liberté ou son bien; parce qu'il est juif, chrétien, musulman, athée; parce que sa tête, sa manière de parler, de s'habiller ou de se tenir déplaît; parce que...

Pour stopper ces horreurs sans frontières, j'aurais voulu que les mots soient un indestructible bouclier. Un jour peut-être...

 

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Si les enseignants n'étaient pas courageux, nous serions ignorants!

Publié le par Cécile Sow

Les enseignants, je les aime, je les admire, je les respecte! Que nous le reconnaissions ou pas, de l'école élémentaire à l'université, ils sont là. Ils l'ont été pour nous, ils le sont pour nos enfants et le seront pour nos petits-enfants, s'il plaît à Dieu. Que ce soit dans une salle de classe, un amphithéâtre ou derrière un écran, ils sont présents, la plupart du temps, en dépit des récriminations et des grèves. 

 

Les enseignants, je les aime car depuis des millénaires, quel que soit le nom qui leur a été donné, ils s'investissent auprès des enfants, des jeunes et même des adultes pour leur inculquer un savoir, matériel ou immatériel, parfois inestimable, dont ils sont détenteurs. 

 

Les enseignants du Sénégal, je les admire car beaucoup sont présents et performants même lorsque leurs conditions de travail sont exécrables. Le "confort" de quelques écoles privées et de certains établissements publics de Dakar, ou d'autres villes, ne peut pas occulter la dure réalité du terrain. Par exemple, des infrastructures et équipements inexistants ou défectueux; des élèves, en surnombre, auxquels ils faut enseigner dans une langue parfois inconnue ou peu familière (le français); des adolescents de plus en plus insolents, agressifs et violents ou encore des parents hostiles préférant faire travailler leur progéniture, afin de soutenir la famille, ou déscolariser des jeunes filles (à peine pubères) pour les marier contre leur gré. A cela peut s'ajouter l'insécurité. En Casamance, il arrive qu'une mine saute à proximité d'un établissement scolaire...

 

Nos enseignants, je les respecte car malgré les difficultés rencontrées au quotidien, dans l'exercice de leur métier, et leurs salaires de misère, ils s'évertuent à satisfaire les exigences des parents encore soucieux de la qualité de l'enseignement. Par ailleurs, aurions-nous oublié qu'en plus d'instruire les enfants, les maîtres et maîtresses participent à leur éducation, parfois défaillante? Le respect de l'autre, les mérites du travail, la culture de l'effort, ..., s'apprennent également à l'école. 

 

Le 2 juin 2020, des milliers d'enseignants reprendront le travail malgré les risques que la Covid-19 fait peser sur tout le monde. Dans certaines localités, sous des températures dépassant 40°C, ils supporteront des masques et n'auront peut-être ni eau ni savon pour se laver les mains. Alors oui, ils méritent notre amour, notre admiration et notre respect.

 

Certes, parmi eux, il peut y avoir des incompétents ou des irresponsables, pire des pédophiles ou des violeurs. Mais les brebis galeuses et les criminels, il y en a partout. Sans exception. 

 

Si les enseignants n'étaient pas courageux, nous serions ignorants. Merci pour tout.

 

Chers enseignants du Sénégal, je vous souhaite un bon retour au travail et une bonne santé!

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Covid-19 au Sénégal, le pari (très) risqué du Président Macky Sall!

Publié le par Cécile Sow

S'il s'agissait d'un jeu, dans lequel le plus gros risque couru par les perdants serait d'être mis sur la touche, l'assouplissement des mesures prises par le Sénégal, à partir du 23 mars 2020, pour barrer la route au nouveau coronavirus, aurait pu remporter l'adhésion de la majorité. Mais, dans le cas de la Covid-19 (mot féminin, selon l'Académie française), bien que les guérisons soient plus nombreuses que les décès, la peur d'être contaminé n'incite guère au suivisme. C'est sans doute pour cette raison que dans la soirée du 11 mai 2020, au moment où le Président Macky Sall avait l'attention de nombreux Sénégalais rivés à leur télévision ou scotchés à leur radio, un vent de désapprobation soufflait déjà sur les réseaux sociaux.

 

La nouvelle stratégie de lutte -face à la crise sanitaire, sociale et économique- dévoilée par le chef de l'État, assurant avoir pris l'attache d'une "équipe pluridisciplinaire composée d'experts nationaux", est loin de faire l'unanimité. Sans mesures d'accompagnement rigoureuses et réalistes, elle pourrait fragiliser d'avantage notre pays, pourtant cité en exemple, en Afrique, en Europe et en Amérique, pour sa gestion pertinente au début de l'épidémie.

 

Avant de prôner la cohabitation avec le virus, sournois et indésirable, dont le Président de la République dit qu'il devrait circuler jusqu'en août ou septembre 2020, nos autorités ont-elles pris la pleine mesure de leurs décisions? 

 

Si tel avait été le cas, aujourd'hui, chaque Sénégalais aurait de l'eau et du savon pour se laver les mains ainsi que du gel hydroalcoolique et au moins un masque; chaque Sénégalais pourrait se déplacer en évitant les bousculades et la surcharge dans les transports en commun, insuffisants pour respecter la distanciation sociale à bord; écoles, marchés, restaurants, mosquées, églises, commerces, ..., seraient tous désinfectés régulièrement, avec des produits efficaces et inoffensifs pour notre santé; les forces de sécurité pourraient faire régner l'ordre sans violence; etc. 

 

L'approche expliquée par Macky Sall présente des lacunes d'autant plus dangereuses qu'il y a encore des personnes ignorant les réalités de la Covid-19, ce qui se traduit par des comportements inappropriés. 

 

16 millions de Sénégalais ne doivent pas être les perdants du pari très risqué d'un État sous influence. La lutte contre la Covid-19 n'est pas un jeu; les perdants peuvent y laisser leur santé voire leur vie.

 

Que chacun prenne ses responsabilités et tout ira mieux, s'il plaît à Dieu!

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1er mai 2020, Fête du travail ... et des trouvailles!

Publié le par Cécile Sow

Dans le langage courant, le mot "trouvaille" a quelque chose de péjoratif. La plupart du temps, nous l'utilisons pour tourner en dérision une idée, une proposition ou une solution jugée peu crédible voire fantaisiste. Pourtant, dans plusieurs dictionnaires, "trouvaille" fait référence à une "découverte heureuse". Si l'on s'en tient à une telle définition, il est permis de souhaiter que cette année, la Fête du Travail soit aussi celle des trouvailles. 

 

Au Sénégal, ce 1er mai 2020 sera comme aucun autre auparavant. Les traditionnelles parades, à la fois gaies et guerrières, et la cérémonie de remise des cahiers de doléances, au palais de la République, n'auront pas lieu. Toutefois, pour marquer l'évènement, certains syndicats ont opté pour une célébration, en ligne, sur les réseaux sociaux.

 

Au Sénégal, comme dans plusieurs autres pays africains, les travailleurs du secteur informel sont largement majoritaires. Selon l'enquête régionale intégrée sur l'emploi et le secteur informel (ERI-ESI) de l'Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), publiée en 2019, ils représentent 96% des personnes actives. Mais, contrairement à leurs collègues du secteur formel, ils ne bénéficient ni de la sécurité sociale ni des assurances maladie et retraite. 

 

Au moment où États, gouvernements et employeurs, des secteurs public et privé, notamment, sont appelés à se creuser les méninges pour sauver des millions d'emplois à travers le monde, mes pensées vont également aux centaines de milliers de Sénégalais (dont 45% sont des femmes) évoluant dans l'informel. Bien que la majorité ne paie ni taxes ni impôts, ces derniers ne devraient pas être les oubliés de la crise.

 

Depuis l'instauration de l'état d'urgence, du couvre-feu et d'une batterie de mesures sanitaires, beaucoup ne voient même plus le diable pour lui tirer la queue. Déjà privés de couverture sociale et d'autres avantages, propres aux entreprises et organisations légalement constituées, comment peuvent-ils faire face quand les mesures d'accompagnement de l'État sont essentiellement destinées au secteur formel? 

 

Dans un pays qui se veut émergent, tous les travailleurs devraient bénéficier de la même attention et des mêmes droits, dans l'exercice de leur métier, ou devant les tribunaux, en cas de contentieux. Pour y arriver, il faudrait mettre de l'ordre dans plusieurs secteurs d'activités. D'ailleurs, la gouvernance et les finances s'en porteraient sans doute mieux... 

 

La pandémie du Covid-19 est une occasion de remettre les pendules à l'heure. Il va donc falloir faire preuve de courage, de lucidité et avoir beaucoup d'imagination. 

 

Pourvu que cette Fête du travail soit aussi celle des trouvailles. 

 

Bonne fête à toutes et à tous!

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